Le plan de Trump pour arrêter la guerre d’Ukraine

Jean Bernard Pinatel
Par Jean Bernard Pinatel Publié le 19 avril 2024 à 19h30
guerre, Ukraine, chine, Trump, Zelensky, négociation, arrêt, plan, États-Unis, Jean-Bernard Pinatel

OPINION

Le Washington Post [1] vient de consacrer un article intitulé « Inside Donald Trump’s secret, long-shot plan to end the war in Ukraine » s’il était réélu Président en novembre 2024.

D’après le journal qui a enquêté dans les milieux proches de Trump, « la proposition de Trump consiste à pousser l’Ukraine à céder la Crimée et la région frontalière du Donbass à la Russie ».

Les rédacteurs de cet article présentent incomplètement les attendus et les contreparties que Trump proposerait à Zelensky ou à un éventuel successeur pour obtenir son assentiment et quels moyens de pression il pourrait mettre en œuvre ? Aucun de ces points essentiels ne figurent dans l’article du Washington Post.

La raison principale pour Trump et pour son entourage qui les poussent à vouloir arrêter cette guerre est leur conviction que la menace principale pour le leadership américain n’est pas la Russie mais la Chine et « l’un des grands péchés de la guerre ukrainienne et de la politique américaine, en général, est de pousser la Russie vers la Chine et de la rendre d’autant plus dépendante de la Chine. »

Et plus largement une guerre longue va à l’encontre des intérêts des Etats-Unis comme l’a soutenu une étude de la Rand Corporation [2] publiée dès le 11 aout 2022 dont les points essentiels sont les suivants :

  • Plus la guerre dure, plus le risque d’une nucléarisation du conflit par Poutine augmente et tant pour Biden que pour Trump et pour les stratèges de Washington, si Poutine utilisait une arme nucléaire non stratégique sur le champ de bataille, il ne serait pas question d’une riposte nucléaire américaine car Kiev n’est pas un enjeu vital pour les Etats-Unis et dans cette hypothèse la crédibilité de la protection américaine envers l’Europe risquerait d’en être affectée  ;
  • Plus la guerre dure plus la capacité des Etats-Unis à intervenir dans d’autres parties du monde diminue : le chef d’Etat-Major de la marine américaine s’est d’ores et déjà plaint des retards sur les livraisons de missiles mer-mer générés par la guerre en Ukraine et donc sur sa capacité à faire face à une action chinoise contre Taiwan ;
  • Plus la guerre dure plus pour les Etats-Unis les coûts augmenteront pour soutenir l’économie et l’armée ukrainienne et ensuite pour reconstruire les infrastructures de l’Ukraine

Mon commentaire

Une raison non formulée est déterminante : le but de guerre des États-Unis n’a jamais été d’infliger une défaite à Poutine et de faire gagner Zelensky mais d’éviter la création d’une Eurasie comme puissance. C’était la plus grande menace pour la primauté des États-Unis identifiée par Zbigniew Brzezinski dans son livre « Le grand échiquier ». Après deux ans de guerre, ce risque semble écarté pour longtemps.

Pour l’Ukraine, plus la guerre dure, plus le risque augmente de perdre d’autres oblats que les quatre oblats annexés. On ne peut écarter, en effet, un risque d’effondrement de l’armée ukrainienne ; des signes avant-coureurs existent : les désertions, les redditions d’unités, la difficulté à mobiliser des renforts. C’est un témoignage de plus du pragmatisme anglo-saxons ; maintenant que l’on est persuadé que quel que soit l’aide matérielle et financière que l’on apportera à l’Ukraine, elle sera incapable de reprendre les territoires qu’elle a perdu, plus on attend plus elle risque d’en perdre d’autres dont beaucoup sont aujourd’hui la propriété de grands groupes agro-alimentaires américains.

Néanmoins plusieurs points devront être précisés avant d’entreprendre une négociation directe des États-Unis avec la Russie pour réaliser un cessez-le-feu.

Comment amener Zelensky à renoncer à son but de guerre qui était la reconquête des quatre oblats et de la Crimée annexés par la Russie ?

La menace de la limitation, voire du blocage de l’aide américaine, comme elle a lieu actuellement par les sénateurs américains, est le principal levier que Trump pourra utiliser. En effet l’industrie européenne est incapable avant très longtemps de prendre le relais des États-Unis et de fournir des munitions au rythme où les Ukrainiens les consomment, notamment parce que les gouvernements européens n’ont pas augmenté leurs budgets militaires suffisamment par rapport à ce qui était déjà programmé avant février 2022. C’est le cas de la France qui n’a pas accru son effort militaire depuis l’invasion de l’Ukraine par rapport à ce qui avait été décidé en 2017 dès le début du premier mandat de Macron.

Cette menace devra être aussi accompagnée de l’engagement des États-Unis de mettre en place un véritable plan Marshall pour reconstruire et développer l’Ukraine.

Pour décider Poutine, la condition nécessaire serait un engagement à la neutralisation de l’Ukraine et un renoncement à son entrée dans l’OTAN qui serait acté à l’ONU.

Et un allègement progressif des sanctions au fur et à mesure de la désescalade sur le front.  Rappelons que le Kremlin s’est tourné vers Pékin pour tenter de compenser les sanctions occidentales généralisées sur ses secteurs de l’énergie, de la défense et des finances et cela est évidemment la condition nécessaire pour espérer qui éloigner la Russie de la Chine.

Quoiqu’il en soit c’est avec Poutine qu’il sera pour les États-Unis difficile de rétablir la confiance et c’est là où Trump possède un avantage sur tous les autres hommes politiques américains.

[1] https://www.washingtonpost.com/politics/2024/04/05/trump-ukraine-secret-plan/

[2] https://www.rand.org/pubs/perspectives/PEA2510-1.html

Jean Bernard Pinatel

Vice-Président GEOPRAGMA, officier para, blessé de guerre, instructeur commando, docteur en études politiques, maitrise de physique, expert en intelligence stratégique et éco, créateur d'entreprise, auteur, conférencier