L’État vient de racheter pour 410 millions d’euros les supercalculateurs d’Atos. Ces derniers sont essentiels à la dissuasion nucléaire. Ils repassent donc sous giron français.
L’État rachète les activités stratégiques d’Atos
Atos, le géant français de l’informatique en perdition, a confirmé avoir reçu une offre ferme de l’État pour lui racheter sa branche « Advanced Computing », incluant ses supercalculateurs, ces monstres de puissance qui alimentent, entre autres, la dissuasion nucléaire française. Montant sur la table : 410 millions d’euros. Une somme conséquente, mais loin des 500 à 625 millions d’euros évoqués lors de l’ouverture des négociations exclusives en novembre 2024.
Pourquoi ce rabais ? L’État a restreint son champ d’intérêt. Exit les solutions d’analyse vidéo boostées à l’intelligence artificielle. Ce que l’État veut, ce sont les entrailles du système : les serveurs de calcul haute performance, les infrastructures critiques, les applications militaires sensibles. Bref, le cœur stratégique. « Il est du rôle de l’État, lorsque cela se justifie, d’assurer la pérennité et le développement des activités industrielles les plus stratégiques », a martelé le ministre de l’Économie, Éric Lombard.
Atos et l’État : un mariage de raison sous tension
Ces supercalculateurs alimentent, entre autres, les programmes de simulation nucléaire du CEA (Commissariat à l’énergie atomique), pièce maîtresse de la dissuasion nucléaire française. Depuis l’arrêt des essais réels dans les années 1990, la France simule ses ogives. Ces machines sont donc un prolongement numérique de la force de frappe. Racheter ces technologies, c’est aussi verrouiller les chaînes de souveraineté. Pas question de laisser un acteur étranger, ni même un industriel fragilisé, jouer avec ces outils critiques.
Les échanges ont été particulièrement tendus lors de la négociation. L’Agence des participations de l’État (APE), bras financier de Bercy, s’est employée à sauver ce qui pouvait l’être à quelques heures de la fin du délai exclusif. L’urgence ? Boucler un accord avant même de savoir ce qu’on en ferait ensuite. Et maintenant ? Silence radio. Pas un mot sur le plan de route, les ambitions industrielles ou le pilotage stratégique. L’APE gère déjà 83 entreprises dans son portefeuille. Mais cette acquisition n’a rien d’une routine. Elle implique plus de 2 500 salariés, un chiffre d’affaires attendu de 800 millions d’euros en 2025 selon Atos, et un secteur où la confidentialité est un impératif de sécurité nationale.
Le calendrier, lui, est presque réglé comme du papier à musique : une signature engageante dans les prochaines semaines, une finalisation courant 2026. Mais pour l’instant, personne ne sait avec certitude ce que deviendra cette branche. Quelle gouvernance ? Quelle articulation avec le reste de la filière numérique française ? À cette heure, le scénario reste flou, les partenaires industriels éventuels ne sont pas identifiés. Pour Atos, cette cession n’est qu’un volet du plan Genesis, son programme de redressement. En se séparant de ses activités les plus sensibles, le groupe entend se recentrer sur l’intelligence artificielle, la cybersécurité et les solutions cloud. Mais rien ne garantit que ce recentrage suffise à enrayer la chute. L’entreprise continue de traîner une dette abyssale.