Depuis plus de cinq siècles, la Suisse s'est distinguée par sa neutralité, une politique qui lui a permis de rester en dehors des conflits internationaux tout en renforçant sa position en tant que centre financier mondial. Cependant, cette posture de neutralité est aujourd'hui remise en question, alors que l'Europe se réorganise face aux nouvelles menaces, notamment celles émanant de la Russie.
Plus de 500 ans de neutralité Suisse remis en question
La neutralité suisse, ancrée depuis 1515, a longtemps été perçue comme un pilier de la stabilité en Europe. Pourtant, l'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022 a bouleversé les certitudes. Un rapport dont a eu vent Politico, publié en août 2024 par un groupe d'experts comprenant des diplomates, des officiers militaires suisses et des spécialistes en sécurité internationale, recommande à la Suisse de revoir sa politique de neutralité. Ce document, sur la stratégie de sécurité nationale pour 2025, propose un renforcement de la coopération avec l'Union européenne (UE) et l'OTAN.
Le rapport présente les pressions qui pèsent sur la Suisse pour qu'elle clarifie sa position. Selon les auteurs, la neutralité suisse devient de plus en plus difficile à maintenir dans le contexte actuel. Ils suggèrent que la Suisse participe à une "capacité de défense commune" avec l'UE et l'OTAN, un tournant majeur par rapport à sa politique historique. L'une des principales préoccupations soulevées est la défense du territoire suisse, entouré par des pays membres de l'UE et de l'OTAN. La neutralité place en effet la Suisse dans une position vulnérable face aux nouvelles formes de menaces, telles que la guerre hybride, les cyberattaques, et la désinformation.
Et si la Suisse revendait des armes ?
Un autre point du rapport concerne les exportations d'armes suisses. La stricte réglementation en matière d'exportation d'armes, qui interdit la vente à des pays en guerre, a eu des répercussions importantes sur les relations de la Suisse avec d'autres pays européens. Ces derniers, souhaitant fournir des armes à l'Ukraine, se sont heurtés à des refus de Berne, notamment en ce qui concerne le réexport des munitions suisses.
Les experts préconisent de lever cette interdiction de réexportation et d'accroître les investissements dans l'industrie de l'armement suisse, notamment par le biais de programmes de compensation et de partenariats avec l'UE et l'OTAN.
Le rapport a déjà suscité des controverses, avant même sa publication officielle, souligne Politico. Les partis de gauche pacifistes et les nationalistes de droite sont particulièrement critiques, craignant que la Suisse perde son indépendance en se rapprochant de l'OTAN et de l'UE. Cependant, pour d'autres, ce rapport reflète une réalité incontournable : la neutralité suisse, telle qu'elle a été pratiquée pendant des siècles, n'est peut-être plus viable dans un monde en mutation rapide.