Le Premier ministre britannique Keir Starmer a dévoilé le 2 juin une stratégie de défense ambitieuse, fruit d’une mission de révision enclenchée en début d’année. Alors que les tensions militaires s’intensifient, notamment à l’Est de l’Europe, le Royaume-Uni affirme sa singularité en misant entièrement sur la dissuasion sous-marine pour garantir sa sécurité.
Royaume-Uni : quand la dissuasion repose sur la furtivité des SNLE
Derrière le silence apparent des eaux britanniques se cache l’un des piliers les plus rigides de la doctrine militaire de Londres. Quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) de classe Vanguard patrouillent inlassablement pour assurer la Continuous At-Sea Deterrence (CASD). Chacun transporte entre 12 et 16 missiles Trident II D5, capables de frapper à plus de 7 000 kilomètres.
C’est cette architecture que le Royaume-Uni entend consolider. En partenariat avec les États-Unis et l’Australie dans le cadre de l’alliance militaire AUKUS, Londres va engager la construction de 12 nouveaux sous-marins d’attaque. Ils seront dotés d’une technologie de propulsion nucléaire de nouvelle génération, intégrant l’intelligence artificielle et des capacités de furtivité renforcées.
Un programme nucléaire à marche forcée : Astraea en ligne de mire
Au cœur du réarmement stratégique figure aussi le programme Astraea : une nouvelle ogive nucléaire conçue pour succéder aux têtes actuelles équipant les missiles Trident. Produit par l’Atomic Weapons Establishment, ce dispositif coûtera à lui seul 15 milliards de livres (environ 17,5 milliards d’euros). Keir Starmer assume pleinement cette orientation : « Nous allons rétablir la capacité de combat du Royaume-Uni comme objectif central de nos forces armées », a-t-il écrit dans une tribune publiée le 2 juin dans The Sun et relayée par BFMTV.
Le ministre de la Défense, John Healey, a renchéri le même jour sur la BBC. La stratégie n’est autre qu’un « message à destination de Moscou », visant à répondre à la menace « croissante » de la Russie depuis l’invasion de l’Ukraine en 2022. La Chine n’est pas mentionnée, malgré son expansion navale. Londres semble avoir choisi son adversaire stratégique, quitte à renforcer ses liens économiques avec Pékin.
Une armée réformée au pas de charge : munitions, cyber et drones
Le plan dévoilé par Keir Starmer ne se limite pas à la dissuasion nucléaire. La Strategic Defence Review 2025, pilotée par l’ancien secrétaire général de l’OTAN George Robertson, décline 60 recommandations pour remettre les forces armées britanniques « en ordre de combat ». D’ores et déjà, 1,5 milliard de livres (1,8 milliard d’euros) ont été engagés pour construire six usines de munitions. À terme, c’est un budget de 6 milliards de livres qui sera alloué à la reconstitution des stocks d’armement.
L’objectif ? Pouvoir soutenir un conflit de haute intensité sans rupture logistique, un défaut que la guerre en Ukraine a cruellement mis en lumière. Le gouvernement veut également moderniser ses capacités cybernétiques, un commandement dédié verra le jour pour coordonner les opérations de guerre électronique, tant défensives qu’offensives. Les technologies émergentes, drones, IA, guerre cognitive, seront intégrées comme leviers de transformation opérationnelle.
L’ambition militaire de Keir Starmer : 3 % du PIB pour une armée prête à l’emploi
Actuellement à 2,3 %, les dépenses militaires britanniques atteindront 2,5 % du PIB d’ici 2027, selon l’engagement pris par Keir Starmer en février. Il a même évoqué une cible de 3 % pour la prochaine législature, au-delà de 2029. Pour une économie britannique malmenée par l’inflation et les coûts de l’après-Brexit, le pari est risqué.
Certains choix financiers suscitent la controverse. Le gouvernement prévoit de compenser ces dépenses en rognant sur l’aide au développement international. Une décision dénoncée par plusieurs ONG et parlementaires travaillistes, qui y voient une régression morale et diplomatique.