En Israël, El Al accusée d’avoir profité de la guerre pour gonfler ses prix

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En Israël, El Al accusée d’avoir profité de la guerre pour gonfler ses prix
En Israël, El Al accusée d’avoir profité de la guerre pour gonfler ses prix | Armees.com

Une plainte déposée devant le tribunal de district de Lod, le 11 juin, accuse la compagnie aérienne israélienne El Al d’avoir sciemment exploité un contexte de guerre pour imposer une politique tarifaire abusive. L’événement à l’origine de cette controverse : l’attaque du 7 octobre 2023, qui a plongé Israël dans un état d’urgence prolongé. Depuis, El Al aurait profité de son statut de quasi-monopole pour pratiquer des prix en forte hausse, selon les plaignants.

Israël : monopole et montée des prix d’El Al

Au lendemain du 7 octobre 2023, l’espace aérien israélien s’est vu déserté par la majorité des compagnies internationales. Dans ce vide brutal, El Al s’est rapidement imposée comme unique opérateur sur de nombreuses destinations. Selon l’action collective initiée par l’avocat Ilan Vardnikov, la compagnie a « profité de l’éclatement de la guerre […] pour établir un monopole sur la plupart des lignes aériennes qu’elle exploite » et aurait « abusé de sa position pour augmenter illégalement les prix des vols de manière immorale« , peut-on lire sur le site i24NEWS.

L’accusation s’appuie sur des données montrant que sur 20 des 24 lignes examinées, El Al détenait une part de marché excédant les 50 %, une situation définie légalement comme monopolistique. Plus encore, la plainte dénonce « l’extorsion du prix d’un service essentiel et irremplaçable en temps d’urgence par un détenteur de monopole« . L’objectif supposé ? « Remplir les poches de ses employés et actionnaires avec des milliards de shekels » alors que le pays faisait face à une tragédie sans précédent.

El Al : des bénéfices stratosphériques

Les chiffres qui accompagnent la plainte donnent une idée du gouffre entre l’effort national et la logique commerciale attribuée à El Al. En 2024, la compagnie aurait engrangé un bénéfice net de 554 millions de dollars, voire 771 millions après déductions fiscales et subventions. À titre de comparaison, elle n’avait dégagé que 113 millions en 2023. Selon les plaignants, « le bénéfice net d’El Al en 2024 est supérieur à l’ensemble des bénéfices cumulés de la compagnie au cours des quinze années précédant la guerre« .

Le préjudice causé aux clients est évalué à 483 millions de dollars américains, auxquels s’ajoutent environ 115 millions de dommages immatériels. Autre élément incriminant, les prix moyens des billets auraient augmenté de dizaines de pourcents alors que les dépenses de la compagnie, elles, diminuaient. Résultat : des marges bénéficiaires multipliées par quinze, et un taux de profit atteignant 35 % après exclusion d’une prime exceptionnelle de 103 millions de dollars versée aux salariés.

Analyse juridique et économique : entre abus et déficit de régulation

L’analyse économique fournie à la justice provient du professeur David Gilo, ancien commissaire à la concurrence en Israël. Selon lui, « il n’y a pas eu d’augmentation des coûts d’El Al justifiant la hausse des prix des vols« . Il précise, dans des propos rapporté par le site i24 NEWS, que les coûts ont même « baissé de 3 % en 2024 par rapport à 2023 et de 11 % par rapport à 2022« . Il conclut que « les revenus excédentaires se sont directement répercutés sur la ligne de profit« , pointant une marge nette par kilomètre-passager de 28,5 %, soit un bond de 180 % par rapport à l’année précédant le conflit. Cette plainte arrive dans un vide juridique partiellement comblé.

L’Autorité israélienne de la concurrence, tout comme la Consumer Protection Authority, ont ouvert des enquêtes préliminaires. Mais leurs moyens d’action sont limités, et la perspective d’un encadrement plus strict des prix en situation d’urgence reste incertaine. En face, El Al ne nie pas les profits exceptionnels, mais argue du risque encouru, de la mobilisation logistique et de la charge morale de maintenir les liaisons dans un pays en guerre. La direction rappelle qu’elle fut, durant de longues semaines, la seule compagnie à assurer des vols pour rapatrier des citoyens, y compris des soldats mobilisés.

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