Ils étaient censés renforcer l’armée congolaise face au M23. Deux ans après leur arrivée, les mercenaires roumains de Congo Protection ont quitté précipitamment Goma sous l’œil des forces rwandaises. Un fiasco qui en dit long sur les errements sécuritaires de Kinshasa.
Débâcle à Goma
L’image est presque surréaliste. Ce 29 janvier, à la frontière entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda, près de 300 mercenaires roumains, hagards, franchissent la Grande Barrière sous escorte de l’armée rwandaise. Alignés, fouillés, identifiés, ils montent ensuite dans des bus en direction de l’aéroport de Kigali, sous la supervision des Nations Unies. Fin d’un chapitre embarrassant dans un conflit qui ne cesse de se complexifier.
Ces mercenaires de Congo Protection, société militaire privée dirigée par Horatiu Potra, un ancien de la Légion étrangère française, étaient présents en RDC depuis fin 2022. Officiellement, leur mission était d’entraîner les Forces armées de la RDC (FARDC) et d’apporter un appui stratégique. Officieusement, ils se sont retrouvés en première ligne des combats face aux rebelles du M23, soutenus par Kigali.
En mars 2023, lors de la première offensive sur Saké, ils avaient été près d’un millier à combattre aux côtés des FARDC. Mais leur effectif s’est progressivement réduit, signe des limites d’une armée congolaise sous-équipée et désorganisée, incapable de maintenir une ligne de front cohérente.
Un retrait sous pression
Lorsque le M23 entre à Goma le 26 janvier, les mercenaires roumains sont parmi les derniers à défendre la ville. Quatre d’entre eux sont blessés lors des affrontements. Mais très vite, la résistance s’effondre et les mercenaires cherchent un repli. La plupart se réfugient dans un camp de la Monusco, la mission onusienne en RDC, espérant échapper à une capture humiliante par les rebelles.
Le bras de fer diplomatique commence alors. La RDC, qui leur avait ouvert ses portes, est incapable d’assurer leur sortie. Le M23, lui, exige leur reddition. Kigali finit par arbitrer la situation : en échange de leur transfert, le Rwanda accepte d’assurer leur évacuation vers Bucarest.
Un convoi est mis en place sous escorte de la Monusco et des rebelles du M23. À la frontière, les soldats rwandais les fouillent un à un, sous l’œil des caméras. Puis direction l’aéroport de Kigali, où les attend l’ambassadeur de Roumanie.
Sur le tarmac, certains mercenaires avouent à demi-mot leur soulagement. « Goma est un chaos total », lâche l’un d’eux à un journaliste de Reuters. Une scène qui n’a pas échappé à Nathalie Yamb, proche des cercles panafricanistes, qui a ironisé sur X : « Voilà les mercenaires occidentaux embauchés et grassement rémunérés par Félix Escarmouche Tshisekedi, qui se sont rendus aux forces rwandaises, dont ils louent l’hospitalité, et qui, depuis l’aéroport de Kigali, se déclarent soulagés de pouvoir rentrer chez eux ».
Un échec stratégique pour Kinshasa
Le recours à des mercenaires étrangers par le président Félix Tshisekedi n’aura donc pas suffi à enrayer l’avancée du M23. Mal équipés, mal coordonnés, les mercenaires n’ont jamais réussi à inverser la tendance. Selon le Kivu Security Tracker, les drones militaires qu’ils opéraient ont été neutralisés par les défenses aériennes rwandaises, les rendant inefficaces.
Un constat d’échec que le Rwanda ne se prive pas d’exploiter. Sur X, Olivier Nduhungirehe, ministre rwandais des Affaires étrangères, dénonce une violation des conventions internationales sur l’emploi de mercenaires. « Ni l’ONU, ni l’Union européenne n’ont condamné cette externalisation de la guerre par Kinshasa », fustige-t-il.
Paul Kagame, lui, n’a pas mâché ses mots. Lors d’un sommet extraordinaire de la Communauté d’Afrique de l’Est, le président rwandais a dénoncé l’hypocrisie internationale : « Nous avons MONUSCO, nous avons SAMIDRC, nous avons mercenaires, nous avons Burundi, nous avons FDLR qui les a rejoints, et tout le monde regarde cette situation comme si nous ne comprenions pas ce qui se passe depuis des années », a-t-il lancé, évoquant la persécution et le déplacement de populations tutsies en RDC.
Les critiques fusent également en RDC. L’argument de la souveraineté brandi par Tshisekedi vole en éclats face à une armée nationale désorganisée, sous-payée, et dépendante de renforts étrangers. Un paradoxe dans un pays qui, en 1965, s’était déjà offert les services des légendaires mercenaires de Mad Mike Hoare pour tenter de mater des rébellions.
Le départ des mercenaires roumains ne règle rien. Le M23 contrôle désormais Goma, la Monusco est sur le départ, et l’armée congolaise reste en déroute. À un an de la présidentielle, Tshisekedi doit faire face à une question brûlante : que reste-t-il de son autorité sur l’est du pays ?