Londres exporte ses Typhoon en Turquie : un succès industriel à haute portée diplomatique

Le contrat signé le 27 octobre 2025 entre Londres et Ankara pour la cession de 20 exemplaires de l’avion de combat Typhoon marque une étape majeure du renouveau industriel britannique et une relance stratégique de l’alliance atlantique. Le marché facilite aussi un bond technologique et diplomatique pour la Turquie.

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Le Royaume-Uni et la Turquie ont signé un accord estimé à près de 9 milliards d’euros pour la vente de vingt avions de combat Eurofighter Typhoon. Ce contrat, présenté comme le plus important de la décennie pour l’industrie britannique, consolide la coopération stratégique entre Londres et Ankara et redessine les équilibres militaires régionaux.

Une transaction stratégique entre Londres et Ankara

Signé le 27 octobre 2025 à Ankara, l’accord officialise la vente par le Royaume-Uni de vingt avions de combat Eurofighter Typhoon à la Turquie. L’opération représente un montant d’environ 8 milliards de livres sterling, soit près de 9 milliards d’euros, et s’inscrit dans une dynamique de rapprochement industriel et militaire entre les deux alliés de l’OTAN. Le Premier ministre britannique Keir Starmer s’est rendu sur place pour la signature, aux côtés du président turc Recep Tayyip Erdoğan.

Pour Londres, il s’agit du plus grand contrat d’exportation d’avions de chasse depuis une génération. Le constructeur BAE Systems, qui pilote la production du Typhoon, table sur un apport direct de plus de 4,6 milliards de livres à son chiffre d’affaires. Selon le ministère britannique de la Défense, l’accord pourrait soutenir jusqu’à 20 000 emplois à travers la filière aéronautique, entre les sites d’assemblage de Warton et les sous-traitants répartis dans les Midlands.

Le Typhoon, un atout technologique et diplomatique

L’Eurofighter Typhoon est un chasseur multirôle biréacteur à aile delta, capable d’intervenir en missions air-air comme air-sol. Fruit d’une coopération entre quatre pays – Royaume-Uni, Allemagne, Italie et Espagne –, il équipe déjà plusieurs forces aériennes européennes, ainsi que celles du Qatar, du Koweït et de l’Arabie saoudite.

Pour la Turquie, cette acquisition représente bien plus qu’un simple achat d’équipement : elle vient combler le vide laissé par l’exclusion d’Ankara du programme américain F-35, après l’achat par la Turquie du système de défense russe S-400 en 2019. Depuis, la modernisation de la flotte turque reposait sur des F-16 vieillissants et sur le développement, encore embryonnaire, du futur chasseur national TF Kaan. L’arrivée des Typhoon permettra ainsi de renforcer les capacités aériennes du pays tout en garantissant une meilleure interopérabilité avec ses alliés de l’OTAN.

Ce contrat s’inscrit également dans la stratégie d’autonomisation militaire de la Turquie. Ankara cherche à réduire sa dépendance technologique vis-à-vis des États-Unis, tout en maintenant un équilibre entre ses alliances occidentales et ses ambitions régionales. Pour le Royaume-Uni, l’accord renforce sa place de fournisseur de référence en Europe et soutient la crédibilité du programme Eurofighter dans un marché mondial de plus en plus concurrentiel.

Le Royaume-Uni consolide sa filière aéronautique

La signature de cet accord marque un retour en grâce de l’industrie britannique de défense, fragilisée depuis le ralentissement des commandes nationales. Le Typhoon, bien qu’entré en service au début des années 2000, demeure un appareil redoutable grâce aux nombreuses mises à jour apportées à son radar, à ses systèmes de guerre électronique et à son armement.

Le gouvernement britannique a salué ce succès industriel comme une victoire collective : il vient prolonger la vie de la chaîne de production et ouvre la voie à de nouvelles opportunités d’exportation. D’un point de vue économique, l’accord témoigne de la volonté du Royaume-Uni de consolider sa base industrielle de défense après le Brexit, en multipliant les partenariats bilatéraux hors du cadre européen.

Politiquement, il traduit aussi la recherche d’une influence accrue dans les affaires de sécurité au sud-est de l’Europe. Pour Keir Starmer, cette coopération illustre la capacité de Londres à « construire des ponts » avec ses partenaires stratégiques tout en soutenant son économie nationale. Plusieurs analystes y voient un signal clair : la Grande-Bretagne ambitionne de redevenir un acteur central dans le commerce mondial des armements.

Un marché sensible sur le plan politique

Si ce contrat constitue une réussite économique pour Londres, il n’est pas exempt de controverses. L’accord a nécessité le feu vert de l’ensemble des pays participant au programme Eurofighter, notamment l’Allemagne, longtemps réticente à exporter du matériel militaire vers Ankara en raison de désaccords politiques et de préoccupations relatives aux droits humains. Berlin a finalement levé son veto à l’été 2025, après plusieurs mois de négociations diplomatiques.

La Turquie, de son côté, cherche à moderniser son aviation tout en consolidant son rôle régional. Les premières livraisons des Typhoon ne sont toutefois pas attendues avant 2030. Ce délai s’explique par la complexité des processus d’assemblage, l’adaptation des appareils aux standards turcs et la formation des pilotes. Plusieurs experts soulignent que cette coopération s’accompagne de conditions strictes : Ankara devra garantir que ces avions ne seront pas utilisés dans des opérations contraires aux engagements de l’OTAN.

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