Réarmement : vers un livret d’épargne dédié pour financer la Défense ?

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Réarmement : vers un livret d’épargne dédié pour financer la Défense ? | Armees.com

Le président de la République Emmanuel Macron a annoncé, le 5 mars 2025 dans son adresse aux Français, son intention de mobiliser des financements privés pour soutenir la défense nationale. Parmi les options envisagées, l’épargne des Français pourrait être mise à contribution à travers la création d’un « livret défense » ou la réorientation de certains placements réglementés. 

Le « livret défense » : une solution séduisante, mais incertaine

La montée des tensions internationales et la nécessité de renforcer l’autonomie stratégique de la France ont poussé le gouvernement à revoir ses ambitions en matière de défense. L’objectif ? Porter les dépenses militaires de 2 % à 5 % du PIB, soit un supplément de 90 milliards d’euros par an.
Alors que le déficit public français atteint des niveaux critiques, Emmanuel Macron a affirmé son intention d’éviter une hausse des impôts. Dès lors, comment financer cet effort de guerre sans alourdir les finances publiques ? Le gouvernement explore plusieurs pistes, dont l’implication directe des épargnants français.

Avec plus de 6 200 milliards d’euros de placements financiers, l’épargne des Français constitue une ressource considérable. L’exécutif envisage donc la création d’un « livret défense », qui permettrait aux citoyens de placer volontairement leur argent dans des entreprises liées à l’armement.

Ce produit d’épargne aurait plusieurs avantages :
– Un engagement volontaire, évitant toute contrainte sur les épargnants.
– Une rémunération potentiellement attractive, pour rivaliser avec le livret A et l’assurance-vie (2,5 % en moyenne).
– Un soutien direct aux entreprises de défense, dans un secteur souvent en difficulté pour accéder aux financements privés.

Cependant, la mise en place d’un tel livret prendra du temps, comme l’explique au Parisien Christophe Plassard, député Horizons : « Entre la décision de création, la mise en marché par les banques et la collecte des fonds, plusieurs mois, voire des années, seront nécessaires. »
Par ailleurs, le succès d’un tel produit dépendra largement de la confiance des épargnants et de son attractivité par rapport aux produits financiers existants.

Flécher l’épargne existante vers l’armement : un risque juridique et économique

Une autre piste envisagée consisterait à réorienter une partie des fonds des livrets réglementés (livret A, LDDS) vers la défense. Aujourd’hui, près de 60 % des 400 milliards d’euros déposés sur ces comptes servent déjà au logement social et aux PME.
Modifier cette affectation impliquerait une révision législative complexe, d’autant que le Conseil constitutionnel a déjà censuré une tentative similaire en 2023. Selon Philippe Crevel, directeur du Cercle de l’épargne : « Si l’on ouvre cette porte pour la défense, d’autres secteurs comme l’agriculture ou l’énergie pourraient aussi revendiquer une part de ces fonds. »
Les banques, quant à elles, restent prudentes. Maya Atig, directrice de la Fédération bancaire française, affirme à Les Échos que « le vrai problème du secteur de la défense n’est pas l’accès au crédit, mais la faiblesse de ses fonds propres« . Autrement dit, cibler l’épargne populaire ne règlera pas les difficultés structurelles du secteur.

Face à ces obstacles, le gouvernement pourrait relancer l’option d’un emprunt national. Ce mécanisme, utilisé à plusieurs reprises au XXe siècle, permet à l’État de lever directement des fonds auprès des citoyens en échange d’une rémunération attractive.
Le dernier exemple en date, l’emprunt Balladur de 1993, avait permis de récolter 10 milliards d’euros avec un taux de 6 % sur 4 ans, soit un rendement supérieur à celui du livret A (4,5 % à l’époque).
Une version plus radicale pourrait être l’emprunt obligatoire, comme celui imposé en 1983 sous le gouvernement Mauroy. À l’époque, les contribuables les plus aisés avaient été contraints d’investir 10 % de leur impôt sur le revenu dans un emprunt d’État, une mesure qui reste aujourd’hui très impopulaire et politiquement risquée.

Les Français prêts à financer la défense ? 

Pour convaincre les citoyens de placer une partie de leur épargne dans l’industrie de l’armement, le gouvernement devra rassurer et séduire. Si un « livret défense » ou un emprunt national peuvent sembler attractifs sur le papier, le patriotisme financier ne suffira pas à garantir le succès de ces initiatives.
L’enjeu principal restera la rentabilité : sans un taux de rémunération compétitif, difficile d’attirer des épargnants déjà séduits par des produits sécurisés comme le livret A ou la SCPI. De plus, les contraintes réglementaires et éthiques liées aux investissements dans l’armement pourraient dissuader une partie des banques et des fonds d’investissement d’y participer.
Le 20 mars 2025, une réunion décisive aura lieu à Bercy entre les ministres de l’Économie et de la Défense, ainsi que les acteurs financiers. Ce rendez-vous pourrait déterminer le futur du financement de l’industrie de la défense en France et sceller le sort de l’épargne des Français.

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