Ils sont petits, lents, bruyants, mais pourtant redoutablement efficaces. Ces drones venus d’Iran ont changé la nature des conflits modernes. Leur efficacité dans les dernières tensions entre Israël et l’Iran confirme leur rôle central dans l’arsenal stratégique régional.
Le 8 juin 2025, l’opération israélienne baptisée « Rising Lion » déclenche une riposte sans précédent de l’Iran. En réponse, des vagues de drones Shahed – dont les modèles 136 et 238 – sont lancées contre Israël. Ces engins, longtemps sous-estimés, sont devenus le symbole d’une nouvelle guerre : moins technologique, mais bien plus difficile à contrer. Le drone Shahed s’impose ainsi comme un acteur central de cette confrontation asymétrique.
Les drones Shahed : profil d’une menace simple mais persistante
Issus de l’ingénierie militaire iranienne, les drones Shahed – notamment les modèles Shahed 136, Shahed 129 et plus récemment Shahed 238 – ont été conçus pour offrir une capacité de nuisance maximale à un coût minimal. Le Shahed 136, par exemple, est un drone suicidaire à hélice, capable d’atteindre sa cible avec une charge explosive de 40 kg sur plusieurs centaines de kilomètres.
Rustique dans sa conception, il utilise un moteur thermique bon marché, un système de navigation inertiel et une autonomie qui peut atteindre 1 000 km. Sa lenteur et son bruit de tondeuse n’empêchent pas son efficacité : il vole très bas et en groupe, saturant les défenses ennemies. (ministère des Armées)
Le modèle Shahed 129, de son côté, est un drone de moyenne altitude à longue endurance (MALE) pouvant être armé. Utilisé notamment en Syrie, en Irak et au Yémen, il combine reconnaissance et attaque. Le Shahed 238, encore peu observé au combat, serait une version furtive du 136 avec des matériaux composites plus avancés.
“Rising Lion” : une opération israélienne à haut risque, suivie d’une riposte dronique
Dans la nuit du 8 au 9 juin 2025, Israël frappe plusieurs cibles militaires stratégiques sur le territoire iranien. L’opération « Rising Lion » cible des sites soupçonnés d’abriter des installations nucléaires clandestines et des centres de commandement. En moins de 24 heures, Téhéran réplique avec une attaque massive composée de missiles balistiques et de plus de 120 drones Shahed.
Cette salve visait notamment les bases aériennes de Hatzor, Ramat David et le port d’Ashdod. La défense antimissile israélienne a intercepté la majorité des drones, mais plusieurs d’entre eux ont atteint leur objectif, causant des dégâts matériels et blessant plusieurs soldats. Le système Iron Dome, conçu pour les roquettes et missiles à trajectoire rapide, s’est montré vulnérable face à ces drones lents et en nombre.
Un champ de bataille élargi : les Shahed de l’Ukraine à Israël
Les drones Shahed ne sont pas nouveaux. Ils ont été observés massivement sur le théâtre ukrainien dès l’automne 2022, utilisés par la Russie contre des infrastructures civiles. L’emploi en masse du Shahed 136 a permis à Moscou de contourner des défenses aériennes plus modernes à coût réduit, en ciblant des centrales électriques, des dépôts de munitions et des nœuds ferroviaires.
Ce retour d’expérience en Ukraine a servi de laboratoire d’expérimentation pour l’Iran, qui a affiné sa doctrine d’emploi dans les conflits de basse intensité et dans les réponses stratégiques.
Réactions sur le terrain : entre efficacité et saturation
De nombreux militaires israéliens décrivent les drones Shahed comme une “nuisance persistante et difficilement éradiquable”, plus que comme une menace létale. Leur lenteur et leur vulnérabilité à l’interception ne compensent pas leur nombre et leur emploi en essaims. “Il suffit qu’un seul passe à travers les mailles du filet pour infliger des dégâts”, confie un officier de l’armée de l’air (rapport Ifri, 2025).
Les unités de défense aérienne sont ainsi contraintes de consommer des missiles bien plus coûteux que les drones eux-mêmes. Un missile Tamir du système Iron Dome coûte environ 40 000 euros, contre moins de 20 000 euros pour un Shahed 136.
Le drone Shahed, une arme du pauvre devenue stratégie du fort
L’attaque iranienne de juin 2025 confirme que le drone Shahed n’est plus seulement une arme de guérilla, mais un levier stratégique d’État. Par son coût, sa rusticité, sa capacité de saturation et ses effets psychologiques, il incarne une nouvelle ère de conflictualité hybride.
Le conflit Israël-Iran révèle que le ciel n’appartient plus aux seuls avions de chasse et satellites. Désormais, ce sont aussi ces drones au bruit de tondeuse, construits dans des hangars modestes, qui dictent l’agenda militaire des grandes puissances.