Ukraine : comment la Russie fabrique-t-elle encore des missiles malgré l’embargo sur le matériel de pointe occidental ?

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Publié le 30 avril 2024 à 13h18
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Les sanctions internationales imposées à la Russie depuis son invasion de l'Ukraine en février 2022 ont notamment ciblé les composants électroniques avancés, essentiels à la fabrication des systèmes d'armement modernes. Et pourtant, malgré ces embargos, l'industrie militaire russe réussit toujours à produire des missiles. Pour ce faire, elle utilise des stratégies complexes pour contourner les restrictions comme le dévoile l'analyse de Rhodus Intelligence sur les activités de l'usine Votkinsk.

Production de missiles : comment la Russie contourne les sanctions ?

La production de missiles en Russie repose fortement sur des composants importés. Face aux embargos, les industries russes ont dû adopter des stratégies de contournement, notamment en masquant l'origine et les routes d'acquisition des technologies clés.

L'usine Votkinsk, responsable de la production des ICBMs/SLBMs à combustible solide, illustre cette stratégie. Les médias d'État et la propagande présentent cette usine comme un modèle de modernité, sans révéler les sources de leur équipement. Par exemple, des vidéos de propagande montrent l'utilisation de machines à découpe laser et de systèmes CNC de marques occidentales.

Des analyses de données publiques et de procédures d'achat révèlent que des machines essentielles à la production des missiles, telles que des machines à découpe laser de Prima Power et des machines de meulage de Walter, sont acquises malgré les restrictions. Ces acquisitions sont souvent masquées par des transactions complexes ou des achats indirects pour éviter les contrôles des sanctions.

Innovation maison pour combler les restrictions

Face aux restrictions, la Russie a également poussé à l'innovation et à la localisation de la production de technologies clés. Des ateliers de production ont été développés pour fabriquer localement des outils de coupe avancés. L'usine Votkinsk, par exemple, a mis en place des ateliers équipés de CNCs (commande numérique par calculateur) et d'outils de meulage avancés, permettant la fabrication en interne de pièces critiques pour missiles comme les Yars et les Topol.

Un autre aspect important de la fabrication russe de missiles est l'hybridation des technologies : des machines soviétiques sont modernisées avec des contrôles CNC occidentaux et japonais. Cela inclut l'installation de systèmes de contrôle numérique modernes sur des machines-outils plus anciennes, permettant une précision accrue sans dépendre entièrement des importations de nouvelles machines.

Les entreprises participent activement au contournement des sanctions internationales

Les relations historiques avec des fournisseurs européens et asiatiques jouent un rôle crucial. Le rapport de Rhodus dévoile que des entreprises comme Kovosvit MAS et ABB, malgré les sanctions, ont été impliquées dans la fourniture de composants ou de machines-outils, souvent par l'intermédiaire de filiales ou de distributeurs russes.

Paolo Garoscio

Journaliste chez EconomieMatin. Ex-Chef de Projet chez TEMA (Groupe ATC), Ex-Clubic. Diplômé de Philosophie logique et de sciences du langage (Master LoPhiSC de l'Université Paris IV Sorbonne) et de LLCE Italien.