Inattendu. Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, et son homologue allemande Annalena Baerbock sont en visite conjointe ce vendredi 3 janvier 2025 à Damas (Syrie) pour rencontrer le nouveau dirigeant désigné, Abou Mohammed al-Joulani, qui a depuis repris son nom civil, Ahmad al-Chareh. Chose rare, cette visite n’a pas été annoncée en amont. Comme le rapporte l’AFP, ce déplacement se présente comme une « visite sous mandat de l’Union européenne ».
Une visite conjoite après des frappes aériennes françaises
Ce déplacement intervient après plus de dix ans de rupture entre la Syrie et les grandes puissances occidentales. À noter par ailleurs que le ministre des Affaires étrangères français, Jean-Noël Barrot, est arrivé sur place bien avant son homologue allemande, se positionnant ainsi comme interlocuteur de premier plan. Le locataire du Quai d’Orsay a entamé son programme par une visite à la prison de Saydnaya, symbole des atrocités commises sous le régime de la famille el-Assad, suivie d’une rencontre avec les dignitaires chrétiens. Ce geste vise à rappeler la nécessité de tourner la page sur les années du régime Baas, tout en reconnaissant sa répression, ainsi que les inquiétudes pour les minorités syriennes depuis la fuite de Bachar al-Assad, le 8 décembre 2024. « Les échanges sur place permettront de travailler à la réponse aux défis de sécurité collectifs, en premier lieu la lutte contre le terrorisme », précise un communiqué du Quai d’Orsay.
Quelques jours avant cette visite diplomatique, et suite à des affrontements dans la province de Tartous, la France a mené des frappes aériennes contre des positions de l’État islamique en Syrie. Ces opérations, effectuées dans le cadre de l’opération Chammal, avaient un but : prévenir toute reconstitution des groupes les plus extrémistes susceptibles de profiter de l’instabilité de la Syrie pour accaparer le pouvoir. Selon l’état-major, sept bombes ont été larguées par des avions Rafale et des drones Reaper sur des installations stratégiques de l’organisation terroriste. La visite des deux ministres des Affaires étrangères européens, et en particulier de la France, se présente ainsi comme une main tendue à Ahmad al-Chareh – Mohammed al-Joulani de son nom de guerre – dans l’espoir qu’il tienne parole sur ses intentions et ses promesses pour la transition politique de la Syrie.
Le pari de la diplomatie
Tout l’enjeu de cette visite diplomatique conjointe réside sur leur rencontre. Ahmad al-Chareh pour sa part, a promis de dissoudre les factions armées, d’organiser un dialogue national et de tenir des élections « d’ici 4 ans », sans toutefois fournir de calendrier précis. La France et l’Allemagne s’engagent donc toutes deux dans un pari diplomatique en Syrie. Les deux pays ont-ils tiré des enseignements des erreurs passées, notamment avec les talibans en Afghanistan ? « Dans les semaines qui viennent, en fonction de l’évolution des conditions de sécurité, nous allons préparer progressivement les modalités de rétablissement de la présence française ici à Damas », espère le ministre français qui fait ainsi écho à la fermeture de l’ambassade française en 2012.
« L’espoir est réel, mais c’est un espoir fragile », reconnaît Jean-Noël Barrot. Une déclaration qui peut s’entendre comme un sous-entendu : il vaut mieux soutenir une figure comme Ahmad al-Chareh, perçue comme relativement modérée, plutôt que de prendre le risque de voir la situation dégénérer, et la Syrie finir dans les mains de factions islamiques incontrôlables. Une vision prudente, partagée par son homologue allemande, Annalena Baerbock, qui a tenu à affirmer qu’« un nouveau départ politique entre l’Europe et la Syrie est possible ». Une conférence internationale sur la Syrie est prévue à Paris, avec la participation de partenaires clés, dans le but de concrétiser cette ouverture diplomatique.