Pendant des décennies, les autorités militaires américaines ont utilisé les ovnis comme un leurre. Une enquête fouillée du Wall Street Journal, publiée le 6 juin 2025, révèle que certains éléments de la légende extraterrestre ont été activement entretenus — voire fabriqués — par le Pentagone lui-même, afin de camoufler des projets d’armement top secrets. Ces manipulations, souvent présentées comme anodines ou tactiques, ont en réalité semé une méfiance durable envers l’État.
OVNI : Détourner les regards d’Area 51 avec des « soucoupes » fictives
Au début des années 1980, un colonel de l’US Air Force s’est rendu dans un bar proche de la fameuse base d’Area 51, dans le désert du Nevada. Il y a remis au propriétaire des photos montrant ce qui semblait être des engins volants non identifiés. Ces images ont rapidement été exposées au mur, alimentant la rumeur selon laquelle l’armée américaine testait des technologies d’origine extraterrestre.
En réalité, ces clichés étaient des faux. En 2023, ce colonel à la retraite a avoué aux enquêteurs du Pentagone que cette opération visait à dissimuler les véritables essais menés sur place : ceux des avions furtifs F-117, éléments clés de la supériorité aérienne face à l’Union soviétique. « Mieux valait qu’ils croient que cela venait d’Andromède », a-t-il déclaré au WSJ.
« Yankee Blue » : une mascarade institutionnelle
L’All-domain Anomaly Resolution Office (AARO), un organisme créé en 2022 pour enquêter sur les phénomènes aériens non identifiés, a mis au jour une pratique rituelle étrange au sein de certaines unités classifiées de l’Air Force. Lors de leur prise de fonction, plusieurs officiers recevaient un document décrivant un programme appelé Yankee Blue, prétendument dédié à la rétro-ingénierie d’un vaisseau antigravité d’origine extraterrestre.
Ces hommes étaient sommés de garder le secret, pensant avoir été mis dans la confidence d’un programme hors normes. Beaucoup n’ont jamais su qu’il s’agissait d’un canular initiatique. Selon les mots rapportés à la directrice du renseignement national, Avril Haines, l’un des responsables de l’enquête du journal américain a résumé : « Madame, nous savons que cela a duré des décennies. On parle de centaines et de centaines de personnes. Ces hommes ont signé des accords de confidentialité. Ils pensaient que c’était réel ».
Le « cas Salas » : l’expérience mal interprétée de 1967
Le 24 mars 1967, Robert Salas, alors capitaine dans un bunker de contrôle nucléaire au Montana, observe la désactivation simultanée de dix missiles balistiques. Au même moment, des soldats à la surface signalent la présence d’un objet rouge-orangé suspendu au-dessus du site. L’événement est classé secret-défense, et Salas se voit interdire d’en parler.
Ce n’est que récemment que l’AARO a apporté une explication rationnelle. Pour tester la résilience des installations face à une éventuelle attaque soviétique, l’US Air Force a mené des essais électromagnétiques à l’aide d’un générateur conçu pour simuler l’impact d’une impulsion nucléaire. Suspendu à 18 mètres de haut, l’appareil projetait une lumière intense, semblable à un éclair. Les perturbations électriques produites ont temporairement désactivé les systèmes des missiles — sans que les officiers présents n’en soient informés.
Pour Salas, la conviction demeure. « Il y a une dissimulation gigantesque, non seulement de la part de l’Air Force, mais aussi de toutes les autres agences fédérales compétentes sur ce sujet », a-t-il affirmé au Wall Street Journal. « On ne nous a jamais informés de ce qui se passait, l’Air Force nous a exclus de toute information ».
Selon les journalistes, le Pentagone « a parfois sciemment attisé les rumeurs, ce qui équivaut à une stratégie de désinformation ciblant ses propres citoyens ». Les structures opaques du ministère de la Défense, empilant programmes secrets sur d’autres programmes secrets, ont créé un terrain idéal pour l’épanouissement de mythes auto-entretenus. Un exemple frappant est celui d’un enregistrement vidéo de 2015, montrant un objet sphérique semblant frôler un chasseur à une vitesse surréaliste. Un pilote y lance : « Oh mon dieu mec ! » Mais l’analyse ultérieure révéla une illusion d’optique due à l’angle de la caméra, détaille l’enquête.
AARO : un rapport étouffé et partiel pour éviter le scandale
Le rapport de l’AARO, publié en 2024, a volontairement omis certaines découvertes majeures, sur demande expresse de l’Air Force, afin de ne pas « compromettre des programmes sensibles ni nuire à certaines carrières ». Cette opacité a relancé les soupçons du public. Lors d’une audition parlementaire, la représentante Nancy Mace a exprimé sa défiance : « Je ne suis pas mathématicienne, mais je peux vous dire que ça ne colle pas », déclare-t-elle au Wall Street Journal. La porte-parole du département de la Défense, Sue Gough, a reconnu que l’AARO « avait découvert des documents classifiés falsifiés en lien avec des extraterrestres » et a confirmé qu’un second volume du rapport, incluant ces éléments, paraîtrait « plus tard cette année ».
Ce qui avait débuté comme une série de ruses tactiques durant la guerre froide s’est mué en une mythologie profondément ancrée dans la culture américaine. Et le plus inquiétant, selon le Wall Street Journal, est que cette croyance semble avoir gagné les rangs mêmes des institutions militaires.