Défense : vous allez enfin pouvoir financer l’effort de guerre

Défense : le fonds de Bpifrance s’appuie sur une épargne volontaire des particuliers, un pari incertain.

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Défense : vous allez enfin pouvoir financer l’effort de guerre | Armees.com

Le 20 mars 2025, le ministre de l’Économie, Éric Lombard, a dévoilé un projet pour le moins audacieux : la création d’un fonds d’investissement ouvert aux particuliers, destiné au financement de l’industrie de la défense. Porté par Bpifrance, cet instrument permettra aux Français d’investir un minimum de 500 euros, pour une durée de cinq ans minimum.

Objectif affiché : mobiliser 450 millions d’euros. Une somme modeste au regard des 5 milliards nécessaires pour renforcer la Base industrielle et technologique de défense (BITD) française. Mais cette initiative suffira-t-elle à combler le déficit de financement des industriels de l’armement ?

Défense : Une industrie en quête de financements face aux défis géopolitiques

L’industrie de la défense traverse une période critique. Les engagements français en Europe et à l’international, notamment dans le contexte de la guerre en Ukraine, ont mis en lumière un besoin urgent d’investissement. « Les entreprises du secteur de la défense ont besoin de se développer. Elles auront besoin à peu près de 5 milliards de capitaux privés« , a affirmé Éric Lombard sur TF1.

Ce déficit s’explique par plusieurs facteurs :

  • Une hausse des commandes militaires nécessitant une augmentation des capacités de production.
  • Une obsolescence technologique accélérée par la guerre hybride et la montée en puissance des nouvelles générations d’armements.
  • Une faiblesse structurelle des financements privés, les investisseurs hésitant encore à se positionner sur un secteur perçu comme risqué.

Le gouvernement fait donc appel aux citoyens pour soutenir un secteur historiquement financé par les crédits budgétaires et des financements institutionnels.

Livret Défense : Un modèle inspiré des grands fonds souverains ?

Avec cette initiative, la France s’inspire des modèles anglo-saxons, où les investissements privés dans la défense sont courants. Aux États-Unis, des fonds spécialisés comme In-Q-Tel (financé par la CIA) permettent de soutenir les technologies militaires émergentes. Au Royaume-Uni, la mobilisation de capitaux privés via le UK Defence and Security Accelerator (DASA) est une stratégie éprouvée.

Mais la transposition en France n’est pas sans risques. Contrairement à ces modèles, le fonds de Bpifrance s’appuie sur une épargne volontaire des particuliers, un pari incertain. « Associer les Français à cet effort est essentiel », martèle Éric Lombard sur TF1. Pourtant, aucun rendement garanti n’a été annoncé, ce qui pourrait refroidir les investisseurs potentiels.

De plus, la question de la sécurité des fonds se pose. Le modèle proposé par Bpifrance repose sur un engagement à long terme (cinq ans minimum), ce qui peut représenter un frein pour les ménages préférant des placements plus liquides et moins exposés à des aléas politiques.

Les banques et assurances appelées à la rescousse pour financer l’effort de guerre

Pour compléter ce dispositif, Bercy a convoqué un sommet avec les investisseurs institutionnels (banques, assurances, fonds de pension) afin d’explorer des solutions complémentaires. L’enjeu est clair : convaincre les acteurs privés de s’engager davantage aux côtés des entreprises stratégiques du secteur. Des géants de la finance comme Amundi, BNP Paribas Asset Management ou Axa Investment Managers ont déjà exprimé leur intérêt, à condition que le cadre réglementaire soit clarifié.

Toutefois, la prudence domine. Les investisseurs institutionnels restent frileux face aux incertitudes liées aux évolutions politiques et aux fluctuations du marché de l’armement.

Le livret va-t-il être un succès ? Des questions majeures demeurent

Ce livret patriotique sera-t-il un succès ? À ce stade, plusieurs inconnues demeurent :

  • Quel sera le rendement réel du fonds ? Son attractivité dépendra de la rémunération proposée aux investisseurs.
  • Comment seront répartis les investissements ? Bpifrance n’a pas précisé si les financements iront principalement vers les grands groupes (Thales, Nexter, Safran) ou vers des PME innovantes de la BITD.
  • Quel encadrement législatif ? Un produit d’épargne dédié à la défense pourrait faire l’objet de restrictions éthiques imposées par certaines banques.

Bpifrance devra donc expliciter et expliquer ce nouveau produit d’épargne aux Français, si elle veut convaincre la population et faire de ce nouveau livret un succès. En tout cas, ainsi faisant, le gouvernement esquive une possible crise majeure : les Français ne sont pas vraiment d’accord avec une possible mobilisation de leur épargne, via le Livret A ou le LDDS par exemple, pour financer le secteur de la Défense et la guerre.

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