Alors que le Paris Air Show 2025 accueille les fleurons de l’industrie aéronautique militaire, deux modèles de transport militaire moyen-capacité attirent l’attention des délégations : l’A400M Atlas d’Airbus et le KC-390 Millennium du brésilien Embraer. Tous deux présentés comme des plateformes robustes et polyvalentes, ils incarnent des philosophies opérationnelles distinctes et des ambitions industrielles opposées. À l’heure où de nombreux États repensent leur logistique aérienne, leur confrontation dépasse le simple comparatif technique.
Une rivalité entre deux constructeurs : Airbus et Embraer
L’A400M est le fruit d’un projet européen ambitieux mené par Airbus Defence and Space, basé en Espagne. Ce programme multinational associe la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Belgique, le Luxembourg, la Turquie et l’Espagne sous la coordination de l’Organisation conjointe de coopération en matière d’armement (OCCAr). À l’opposé, le KC-390 Millennium est développé par le constructeur brésilien Embraer, avec un soutien industriel international plus diffus, mais marqué par une intégration croissante dans l’OTAN via ses ventes européennes.
Le premier est conçu pour répondre aux besoins stratégiques et tactiques lourds des armées européennes, tandis que le second vise la souplesse, la rapidité de mise en œuvre et la rentabilité opérationnelle.
Capacité d’emport et rayon d’action : l’A400M domine
L’A400M peut transporter jusqu’à 37 tonnes de matériel sur plus de 4 700 kilomètres, soit quasiment le double de la charge utile du KC-390, limitée à 23,6 tonnes selon les données de l’encyclopédie collaborative. Ce différentiel s’explique par les dimensions de l’Atlas, qui permet d’embarquer deux hélicoptères Tigre, un canon automoteur CAESAR de 17 tonnes ou deux véhicules blindés légers de type VAB équipés (fiche technique DGA).
Le KC-390, de gabarit plus réduit, n’offre pas la même modularité pour les charges exceptionnelles, mais reste performant pour des missions de transport logistique de moyenne intensité. Il dispose d’une autonomie de 6 130 km en vol ferry, mais chute significativement dès lors qu’il est chargé.
Polyvalence tactique : avantage à l’A400M
L’A400M a été spécifiquement conçu pour opérer sur des pistes sommaires, y compris non préparées, et peut effectuer des missions de pénétration à basse altitude, du ravitaillement en vol (pour avions de chasse ou hélicoptères), du largage de parachutistes ou encore de l’évacuation sanitaire. Il peut également être lui-même ravitaillé en vol, ce qui en fait un multiplicateur de force sans équivalent dans sa catégorie (fiche technique DGA).
De son côté, le KC-390 excelle dans la réactivité, la maintenance allégée et la logistique interthéâtre, avec une rapidité de préparation opérationnelle souvent saluée par les unités utilisatrices. Il est capable d’effectuer du ravitaillement en vol et des largages tactiques, mais ses capacités de vol bas et de maniabilité sur terrains exigeants sont moindres comparées à l’A400M.
Retours opérationnels : des vécus divergents
L’A400M a accumulé plus de 12 000 heures de vol en opérations dès 2019, illustrant son intégration profonde dans les missions françaises, notamment au Sahel et au Levant. Il a été qualifié de « game changer » par l’armée de l’Air, capable de remplacer à lui seul deux C-130 ou quatre Transall C160 (fiche DGA). Sa participation à l’exercice « Pitch Black » en Australie, en 2018, a validé sa performance dans un environnement de combat exigeant.
Le KC-390, plus jeune, s’est illustré sur des missions humanitaires d’envergure : évacuation de ressortissants au Liban, soutien sanitaire durant la pandémie de COVID-19, opérations logistiques en Antarctique. Plusieurs pays européens l’ont adopté : le Portugal (6 exemplaires), la Hongrie (2), les Pays-Bas (5), la Suède (4), entre autres, illustrant sa pénétration croissante dans les flottes occidentales.
Un choix de doctrine avant tout
Le choix entre l’A400M et le KC-390 reflète davantage une stratégie de projection qu’une stricte logique comparative. Le premier s’adresse aux forces souhaitant maintenir une capacité lourde de projection intercontinentale avec un appareil unique. Le second s’impose dans un cadre de rationalisation budgétaire, de remplacement de moyens vieillissants type C-130, et de souplesse logistique.
Les forces françaises, en structurant leur flotte autour de l’A400M, ont choisi la masse, l’endurance et l’interopérabilité OTAN sur le long terme. À l’inverse, les armées portugaises ou brésiliennes ont opté pour la modularité immédiate d’un appareil plus léger, mais aux coûts maîtrisés.