L’aviation moderne est-elle prête à affronter sa nouvelle menace ? Une étude récente révèle une augmentation fulgurante des cyberattaques. En jeu : la stabilité d’un secteur stratégique.
Une aviation en alerte face à l’escalade des cybermenaces
Le 13 juin 2025, à quelques jours de l’ouverture du Salon du Bourget où il est présent, le groupe Thales a publié un rapport qui fait l’effet d’un électrochoc : les cyberattaques visant l’aviation ont bondi de 600 % en un an. Selon cette étude, réalisée entre janvier 2024 et avril 2025, 27 attaques majeures ont été recensées, impliquant 22 groupes de ransomware. Ces offensives ne se limitent plus à de simples blocages informatiques. Elles infiltrent les systèmes critiques, compromettent les données confidentielles et paralysent des segments entiers de l’infrastructure aérienne.
Les compagnies aériennes, les aéroports, les systèmes de navigation, ainsi que les prestataires techniques sont tous devenus des cibles. Le rapport alerte sur la sophistication croissante de ces menaces. 71 % des incidents impliquent des vols d’identifiants ou des accès illicites à des modules sensibles, avec des répercussions immédiates sur la sécurité opérationnelle et la logistique globale.
Thales dénonce une mutation stratégique de la cyberattaque
Ces menaces ne sont plus purement techniques : elles traduisent des dynamiques géopolitiques complexes. Des actes de cyber‑espionnage industriel, des sabotages ciblant l’avionique, les communications ou encore les chaînes logistiques ont été relevés. Le rapport cite également des attaques par déni de service, orchestrées par des groupes d’hacktivistes pro‑russes contre des compagnies aériennes européennes, ainsi que des ransomwares ayant perturbé les hubs de maintenance en Asie et au Moyen‑Orient.
Les données visées dépassent largement le simple cadre opérationnel. Itinéraires diplomatiques, mouvements de fret classifiés, coordonnées biométriques : autant d’éléments à haute valeur stratégique susceptibles d’être exploités par des puissances ou des entités hostiles.
Dans le communiqué officiel, Ivan Fontarensky, directeur technique des services cybersécurité de Thales, déclare : « L’aéronautique est désormais devenue un champ de bataille numérique investi par des intérêts économiques et géopolitiques. Face à l’explosion du nombre des attaques, il est crucial d’adopter une approche globale de cybersécurité, d’intégrer l’IA comme allié et de renforcer les collaborations entre secteurs public et privé. »
L’aviation, un secteur structurellement vulnérable aux cyberattaques
Ce basculement s’explique par l’architecture même de l’aviation contemporaine. Le secteur repose sur des systèmes complexes, hautement interconnectés, souvent hérités d’anciennes générations technologiques. Chaque composant — de la tour de contrôle à la passerelle d’embarquement — est dépendant de flux numériques continus. Une simple faille peut ainsi déclencher un effet domino, engendrant des retards massifs, des fermetures d’espace aérien, voire des perturbations diplomatiques.
Les chaînes de sous‑traitance, encore trop peu protégées, constituent un point d’entrée privilégié. L’étude insiste sur la difficulté à tracer les responsabilités et à garantir un niveau homogène de sécurité parmi l’ensemble des acteurs, de l’équipementier à l’opérateur réseau.
En réaction, la demande en cybersécurité explose. Thales estime le marché mondial de la protection numérique dans l’aviation à 5,32 milliards de dollars en 2025, soit environ 4,95 milliards d’euros, avec une croissance annuelle de 8,7 % prévue jusqu’en 2029. Ce développement s’explique autant par la numérisation des appareils que par la prise de conscience des gouvernements face à la montée des risques.
