Japon 2° guerre mondiale : les expériences de l’unité 731

Jean Baptiste Giraud
Par Jean-Baptiste Giraud Publié le 6 novembre 2018 à 6h29
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Mengele, Hirt sont les noms de scientifiques nazis qui se consacrèrent à de pseudo recherches sur des cobayes humains dans certains camps de concentration. Si ces noms sont connus en occident, celui d’Ishii l’est en revanche nettement moins eu Europe. L’Allemagne nazie ne fut pas la seule à pratiquer des expériences sur des humains, témoin l’unité 731 de l’armée impériale japonaise.

L’unité 731 servit aux essais et à la mise au point d’armes bactériologiques, lesquelles furent testées sur une variété d’hommes de différentes races et même sur des populations entières. A la différence de Mengele, Hirt ou d’autres pseudos scientifiques nazis, les savants japonais ne furent jamais jugés pour crimes de guerre par contumace et décédèrent tranquillement.

Depuis quelques temps maintenant les pays voisins du Japon font ressurgir un passé que les nippons se refusent à reconnaître. Le dernier épisode en date est celui des femmes de confort coréennes, qui furent violées par les troupes japonaises, avant d’être mises dans une maison close. Moins connu mais tout autant égal à ce que pratiqua l’Allemagne nazie dans ses camps de concentration, l’unité 731 se caractérisa pendant la seconde guerre mondiale par ses expériences réalisées sur des hommes, voir même des populations entières.

Dès la déclaration de guerre du Japon aux Etats-Unis, le clairvoyant amiral Yamamoto précisa à ses supérieurs qu’il faudrait écraser l’Amérique rapidement, sans quoi l’empire du soleil levant finirait inévitablement par être vaincu, grâce à la puissance industrielle des Usa. En décembre 1941, le Japon menait une guerre sur plusieurs fronts, laquelle avait commencée dès 1931 par l’invasion de la Chine. L’armée impériale se battait ainsi sur plusieurs fronts et ses réserves en troupes n’étaient pas inépuisables, aussi fut-il admis d’avoir recours à certains types d’armes spécifiques. D’autre part, les visées expansionnistes et les convictions racistes des japonais furent en tous points égales à celles d’Adolf Hitler. Les japonais n’hésitèrent pas à avoir recours à des armes chimiques ou bactériologiques lors de certaines opérations.

L’ypérite, également employée au Moyen-Orient

La première de ses armes utilisée ne fut autre que l’ypérite, un gaz de combat qui avait été naguère utilisé sur les champs de bataille au cours de la première guerre mondiale. Le japon importa dès 1933 les équipements destinés à la production de ce gaz, lequel fut utilisé dans les montagnes de la province de Sanshi, en Chine. Mais l’ypérite n’offrait que des résultats médiocres, aussi fut-il décidé de créer une unité spéciale dédiée aux recherches relatives à la guerre bactériologique. Baptisée unité 731, cette troupe établit ses quartiers dans la banlieue de Harbin, en Mandchourie, et procéda à ses expériences sous le couvert d’unité de prévention épidémique et d’approvisionnement en eau potable. Le lieutenant général Shiro Ishii fut nommé à la tête de l’unité 731.

Ishii avait suivi des études de médecine à l’université impériale de Kyoto, avant d’intégrer la garde impériale ou il fut nommé chirurgien militaire. En 1924, il se spécialisa dans la recherche bactériologique, la médecine préventive et la pathologie. Après un voyage en Europe au cours de l’année 1930, il fut promu commandant et fit partie du service de prévention des épidémies de l’école de médecine de l’armée qui venait d’être construite à Tokyo. Environ un an plus tard, Ishii créa un filtre à eau novateur, qui avait la particularité de débarrasser une eau stagnante de toutes ses bactéries. Quelques années plus tard, le fameux dispositif fut adopté aussi bien par l’armée impériale que par la marine. Ishii s’était fait remarquer par ses supérieurs qui lui conseillèrent alors de tourner ses travaux vers l’étude de bacilles nettement plus dangereux, toujours sous le couvert du service de prévention des épidémies et de la filtration de l’eau. Afin de garder le secret sur ses expériences, il établit son laboratoire en Mandchourie.

Le but des travaux entamés était de mettre au point une arme bactériologique, pour ce faire, les meilleurs chercheurs du laboratoire de prévention des épidémies de Tokyo lui furent affectés. Le nombre de scientifiques croissant régulièrement, il fut décidé de déménager le laboratoire de banlieue pour le réaffecter en ville. Le service bactériologique de l’unité 731 fut alors divisé en une douzaine de sections dont chacune étudiait les possibilités de transformer toute une variété de maladies contagieuses en arme bactériologique. La peste, l’anthrax, la dysenterie, le typhus, la typhoïde, le choléra, la gangrène gazeuse, la grippe, la variole, le tétanos, la tuberculose, la fièvre hémorragique furent parmi les maladies étudiées ainsi que les vecteurs possibles de propagation, ainsi que de nouveaux produits chimiques toxiques et, les effets de différentes blessures, mutilations ou brûlures sur les hommes.

La peste est inoculée aux prisonniers

Ishii était notamment intéressé par la peste, qu’il inocula à plusieurs prisonniers servant de cobayes dès 1933. Ces derniers étaient au départ des prisonniers condamnés à mort et détenus à la prison de Harbin. Lorsque ceux-ci vinrent à manquer, Ishii se tourna vers les soldats chinois, des russes (car Harbin avait un nombre élevé de résidants russes), des intellectuels, des ouvriers ou tout autre personne opposée de près ou de loin à l’occupation japonaise. Lorsque le Japon déclara la guerre aux Etats-Unis, ce furent également des prisonniers américains, britanniques ou néo-zélandais qui furent employés. Quant à la population civile, elle ne fut pas épargnée puisque certaines « recherches » furent aussi bien menées sur des femmes enceintes que des enfants en bas âge, voir même des foetus. Les témoignages de certains vétérans de l’unité 731 font part également de « curiosité » au sens ou certaines expérimentations ont été menées sans réelle recherche, notamment les dissections de détenus encore en vie. Au total, ce ne sont pas moins de 3 000 personnes qui furent sacrifiées.

L’unité 731 pouvait, dans les quartiers spéciaux, détenir jusqu’à 200 prisonniers, lesquels subissaient les différentes expériences d’Ishii et de ses collaborateurs.

En matière d’horreur, les japonais arrivèrent au moins à la hauteur des nazis. Certaines expériences portèrent sur la congélation des cobayes humains ou encore sur les brûlures étalées. Tout comme à Auschwitz, certains autres furent soumis à une exposition prolongée aux rayons x, d’autres encore furent privés d’eau jusqu’à ce que mort s’en suive. Certains cadavres portaient également des traces de mutilation ou d’amputation. Les expériences portèrent également sur l’inoculation de certains agents chimiques ou sur les transfusions avec liquides autres que le sang humain. Une partie de ces expériences furent filmées.

Les recherches relatives à la peste permirent à Ishii de déclencher des épidémies en Chine, en larguant des vecteurs contaminés tels que du riz ou encore des insectes, notamment des puces.

Le riz permettait d’attirer les rongeurs qui, une fois piqués par les puces, devenaient à leur tour porteurs de la maladie, propageant ainsi la peste comme elle avait été véhiculée auparavant en Europe. Certaines provinces chinoises furent également victimes de tentatives de propagation de la typhoïde ou de l’anthrax. Une des « découvertes » d’Ishii reposa sur la construction d’une bombe bactériologique, capable de contaminer une étendue de 50 km2. Ces bombes, à fragmentation, infectées de virus de la peste et du choléra furent larguées sur les villes chinoises de Ningbo, dans la province de Zhejiang. Un an plus tard une attaque similaire fut réitérée, cette fois-ci sur la ville de Changeth, qui fit 10 000 victimes. L’emploi de telles armes permettait de vider certaines régions de leurs habitants et d’éviter la perte de troupes japonaises.

De nombreuses épidémies de peste continuèrent ainsi à se propager après la fin de la seconde guerre mondiale jusqu’en 1948, malgré l’éradication de la peste du territoire chinois bien avant le déclenchement du conflit. Le typhus perdura jusqu’au milieu des années 1950 et l’on trouve aujourd’hui encore des anticorps dans le sang des animaux domestiques.

Mais le vent tourna et le Japon subit défaite sur défaite. En 1944, la situation était déjà désespérée et seule une arme miraculeuse aurait pu modifier le cours de l’histoire. Mais les japonais, malgré leurs recherches aussi bien en matière d’armes atomique (lesquelles étaient loin d’être avancées) que bactériologique ne purent renverser le cours de l’histoire.

Lorsque l’union soviétique entra en guerre contre le Japon le 8 août 1945, jour ou Nagasaki fut victime du bombardement atomique, les japonais essayèrent de détruire toute trace des activités de l’unité 731, craignant d’être capturés par l’armée rouge.

Les prisonniers reçurent alors de la nourriture contaminée au cyanure de potassium, ceux qui n’en mangèrent pas furent exécutés à la mitrailleuse. Les corps furent réunis dans une fosse que les japonais enflammèrent. En raison du grand nombre de cadavres, certains ne brûlèrent pas et furent par la suite passés à la broyeuse. L’unité 731 fut la première troupe de l’armée du Kwantung à être évacuée au Japon avant même les officiers d’état-major. Bâtiments, fours crématoires et autres matériels furent dynamités. Ishii et ses comparses ne furent pas les seuls à pratiquer ce genre d’expériences, puisqu’il existe quelques cas de témoignages de dissection de prisonniers vivants, notamment à l’université impériale de Kyushu par le professeur Ishiyama. 8 membres d’équipage d’un bombardier B-29 furent notamment utilisés lors d’opérations de vivisection entre mi-mai et début juin 1945. Il exista également l’unité 100, stationnée elle aussi en Mandchourie, dont le but principal fut de tester des germes sur le bétail comme sur des cobayes humains, dans le but d’infecter le bétail des adversaires.

Pas de procès pour Ishii

A la différence du premier ministre et ministre de la guerre Hideki Tojo et des 25 autres accusés qui furent traduits en justice pour crimes de guerre une fois le japon envahi, Ishii n’eut jamais à s’inquiéter d’un éventuel procès. Ses travaux avaient fortement intéressé les américains qui ne tenaient pas à ce que les soviétiques puissent s’emparer des recherches menées par l’unité 731. Toutefois, l’Urss avait réussi à capturer l’un des responsables de l’unité, qui ne fut pas long à admettre l’utilisation de cobayes humains dans le cadre des recherches sur la guerre bactériologique. Ishii de son côté fut interrogé par les américains, dont l’état-major et Mac Arthur en tête (alors suprême commandant des forces alliées dans le pacifique) nièrent formellement l’utilisation de prisonniers à des fins de recherche. La guerre de Corée permit de mettre en évidence la récupération d’Ishii et de ses travaux au profit des américains, qui s’en servirent contre les nord-coréens.

La méthode employée fut pratiquement la même, à savoir le largage de puces comme de mouches porteuses de maladies, cette fois-ci au dessus de rizières. L’apparition d’une espèce inconnue de mouches dans la région à la suite du survol des rizières par des avions américains permit d’établir un lien, lequel fut confirmé lorsqu’une épidémie d’encéphalite se propagea dans les semaines qui suivirent. Elle fut toutefois contenue dans un périmètre relativement restreint dans la région de la frontière sino-coréenne.

Quant aux anciens membres de l’unité 731, nombre d’entre eux occupèrent après guerre des postes d’importance, notamment au sein des universités, dans l’industrie pharmaceutique ou encore à la tête de l’association médicale japonaise. Pendant approximativement trente ans, japonais comme américains gardèrent le secret sur les expériences d’Ishii et de sa troupe. Ce dernier décéda en 1959, sans qu’aucune poursuite n’ait été lancée contre lui, ce malgré le témoignage de plusieurs prisonniers américains, britanniques et chinois ayant survécu aux traitements infligés au sein de son unité.

Ce ne fut qu’en 1984 que la véritable fonction de l’unité 731 fut découverte, dans toute son horreur. Un étudiant découvrit un dossier ayant appartenu à un ancien militaire, lequel comportait des photos de prisonniers victimes du tétanos et des rapports médicaux explicites, chez un bouquiniste dans la banlieue de Tokyo. Il n’en reste pas moins que la reconnaissance des crimes de l’unité 731 est encore fragmentaire au Japon. Elle est inconnue du grand public et n’est mentionnée dans aucun manuel scolaire. En 2002, un tribunal japonais a officiellement reconnu l’existence de cette unité, sans toutefois préciser la nature de ses activités.

Compléments d’informations sur le sujet - synthèse

La guerre bactériologique

Après l’ « Incident du 18 septembre 1931 » déclenché par l’armée japonaise, le médecin militaire Ishii Shiro proposa de fonder une unité chargée de mener une guerre bactériologique et cette proposition eut un écho favorable de la part des autorités japonaises. En 1932, il transfèra en Chine du Nord-Est, et plus précisément au sud de Harbin, des laboratoires du Japon afin de pouvoir mener ses expériences bactériologiques. En 1935, cette unité de guerre bactériologique fut transférée au bourg de Pingfang, et reçut un matricule. Désormais elle s’appellerait l’Unité 731, et deviendrait la plus importante unité de guerre bactériologique de l’armée japonaise en Chine. Durant 12 ans, cette unité 731 s’est livrée aux recherches sur la peste, la fièvre typhoïde, la dysenterie bacillaire, le choléra, et la tuberculose. Elle a mené des expériences inhumaines sur quelque 5 000 prisonniers de guerre et civils en les prenant comme cobayes, notamment dans les domaines de l’anatomie des êtres vivants, et dans la formation des bactéries biologiques.

L’esclavage sexuel des femmes

Entre 1932 et 1945, quelque 550 000 femmes chinoises et coréennes et d’autres pays ont été enlevées et contraintes à se prostituer par et pour les soldats des troupes d’agression japonaise. Les Japonais étaient alors responsables de l’établissement, du fonctionnement et de la gestion de ce qu’ils appelaient leurs centres de « délassement », mais qui n’étaient en fait rien d’autre que des « Maisons de viol ». La plupart de ce que les Japonais appelaient leurs « femmes de réconfort » étaient originaires de Corée, mais elles venaient en fait de toute l’Asie : de Chine, d’Indonésie, des Philippines, et de Thaïlande principalement ; en somme, de tous les pays qui ont eu la malchance de tomber sous le contrôle des Japonais. Ainsi, plus d’un demi-million de jeunes filles âgées de 11 à 20 ans ont été violées par les militaires japonais.

Le Massacre de Nanjing

Le 13 décembre 1937, l’armée japonaise occupa Nanjing. Aux ordres de Matsui Ishine, commandant du front de Chine centrale, et de Nani Toshio, commandant de la 6e division nippone, les soldats japonais commencèrent à massacrer alors pendant six semaines plus de 300 000 civils et militaires ayant déposé les armes. Les soldats de l’Empereur du Japon vont violer, assassiner, piller, incendier, décapiter, et ravager absolument tout ce qu’ils vont trouver. C’est ainsi que s’est écrite la plus sombre page de l’histoire contemporaine. Une extermination comparable aux camps de concentration de l’Allemagne nazie.

La véracité de ces faits est irréfutable. Et pourtant, aujourd’hui, 60 ans après, de nombreux Japonais ignorent toujours l’ignominie des crimes perpétrés par leur nation sur l’ensemble de l’Asie. C’est le résultat de l’entêtement aveugle de l’élite politique nippone. En effet, celle-ci glorifie encore et toujours son passé militariste et ceux qui ont été reconnus coupables de crimes contre l’humanité par la communauté internationale à la fin de la 2e guerre mondiale.

Jean Baptiste Giraud

Journaliste éco, écrivain, entrepreneur. Dir de la Rédac et fondateur d’EconomieMatin.fr. Fondateur de Cvox.fr. Officier (R) de gendarmerie.